vendredi 11 juillet 2014

Une petite aventure européenne

C'est le premier article que j'écris sur un smartphone et je pense que je serai saoulé avant d'avoir terminé (si la batterie ne rend pas l'âme avant moi)
Mais peu importe, essayons.
Je suis dans un avion de la compagnie Neos Air et c'est l'un des pires vols de ma vie.
Les sièges sont si étroits que je suis obligé d'avoir les bras collés le long du corps. Pas aidé par le fait d'avoir à ma droite, une femme obèse, et à ma gauche, un mec plutôt à jour niveau muscu.
Pour couronner le tout, la compagnie a eu la bonne idée de ne pas nous mettre d'écran personnel. Ce qui, pour un long courrier, lorsque l’on n’est pas préparé, est assez dur psychologiquement parlant. C'est vraiment la crise en Italie!
Et niveau préparation, on peut dire que je ne suis pas tout à fait au point...recadrons un peu tout ça.
Après 11 mois passés au Mexique, je me suis pris le luxe de trois semaines de vacances en France. J'entends déjà crier ceux que je n'aurais pas prévenus et que je n'aurais donc pas vus. Ce fut la course tout le temps et je n'ai passé que deux semaines à Paris. Il était en effet important pour moi de voir ma famille dans le centre et le sud de la France. 
Je n'avais prévenu personne et j'ai attendu de voir comment se répandait la nouvelle et qui manifesterait le désir de me voir. Vous auriez vu la tête de ma maman! J'ai donc en grande partie laissé faire le hasard. (Et fait ma star oui oui oui)
Le fait d'avoir un salaire aux normes mexicaines plus que françaises m'a forcé à voyager (presque) uniquement en stop. Moyen de transport que j'avais déjà pas mal pratiqué il y a un an.
C'est une pratique que je recommande à toute personne n'ayant pas peur d'engager la discussion avec des inconnus et pouvant se permettre de perdre 40% (voir plus bien entendu) du temps normalement nécessaire en voiture. Il faut être prêt à vivre quelques imprévus. Mais globalement, s'il est beaucoup moins pratiqué qu'il y a quelques années, il reste encore des anciens stoppeurs qui seront ravis de rendre la pareille. Et quelle aventure !
Je suis par exemple remonté d'Auvergne, en passant par la Bourgogne, jusqu'à Paris, et suis redescendu jusqu'à Marseille. La sortie de Paris fut quelque peu difficile (une heure et quelques porte d'Italie) et je me suis vu pester contre ma propre ville. C'est d'ailleurs un bourguignon qui m'a finalement mis sur la route.
Il y a quelques règles à respecter pour que le stop soit efficace et je me ferais un plaisir de vous les donner si vous me les demandez.
Pour ne pas faire un pied de nez au service que je défends, et pour lequel je vais continuer à travailler au Mexique, je tiens à préciser que le covoiturage (sisi www.rides.com.mx) reste un moyen de transport plus confortable et plus sûr (et le train, plus propre!)
En stop, vous êtes presque assuré d'avoir à faire à des personnes curieuses et qui auront envie de parler.
Je pourrais faire un portrait de presque toutes les personnes qui m'ont ramassé sur le bord de la route. J'entends par là que c'est généralement des rencontres intéressantes. Vous y retrouverez peut être l'une de vos connaissances. Le monde est si petit! Mais je suis à peu près sûr que peu d'entre vous prendraient le temps de lire ces lignes.
La fin de mon voyage à destination de Marseille avait été un peu plus dure. Je crois que les sudistes prennent un peu moins. Ma sortie d'une ville dans le Var en direction de l'Italie n'a fait que confirmer mes craintes. Je suis parti à 10h de Brignoles, avec comme objectif Parme en Italie. J'étais pressé de retrouver des amis italiens qui pouvaient m'héberger avant que je finisse ma route jusqu'à Rome, d'où s'est envolé mon avion.
Après un début quelque peu difficile, j'ai finalement réussi à atteindre Savona sur la côte Nord de l'Italie. J'ai été bien aidé par la grève de Corsica Feries et d'un flux exceptionnel de toutes les personnes qui devaient prendre un ferry à Nice, et qui ont finalement dû aller en Italie. L'effet papillon...
En ce qui me concerne c'est un jeune qui s'apprêtait à commencer son premier boulot à Bastia, dans la conservation du littoral corse, qui m'a fait faire ce bout de chemin.
Mais rien ne me préparait à connaître le stop en Italie. Les italiens ne sont pas habitués à voir des stoppeurs, et encore moins à les prendre.
À Savona, j'ai donc commencé par galérer deux heures à une entrée de péage. Pour finalement être pris par un routier et parcourir une soixantaine de kilomètres.
Un sacré numéro qui s'est fait voler toute sa fortune par son ex-femme. Jadis propriétaire d'une villa, une Porsche, et une Audi TT, il avait déclaré que tout était à sa femme, pour échapper à un contrôle fiscal (le gros malin !). Cette dernière s'est barrée avec tout son argent dans un paradis fiscal en lui laissant leurs deux enfants. S'il était doté d'un bon œil pour choisir les stoppeurs (héhé), cela ne devait pas être le cas pour ses copines...
Passé ces kilomètres, il m'a laissé sur un nouveau péage (ayant raté la station-service avant sa sortie), me rassurant quant aux nombres de personnes allant dans ma direction.
S'en sont suivis plus de deux heures de galère où j'ai voulu m'arracher les cheveux plusieurs fois.
J'avais déjà 50minutes de retard sur la fourchette pessimiste que j'avais donnée à mon ami parmesan, et n'avais aucun moyen de le joindre.
Je me voyais mal passer la nuit sur cette entrée d'autoroute de Genova.
S'est alors arrêté une voiture, avec à son bord une mama italienne de 46 ans et un de ses collègues. Après leur avoir fait comprendre que je ne parlais pas italien, elle m'a demandé si cela m'intéressait de faire une cinquantaine de kilomètres dans ma direction. J'acceptai avec grand plaisir. Pourvu que je sorte de ce satané péage!
À bord, je lui racontai mes mésaventures et le fait que je n'étais plus très sûr de pouvoir arriver à Parme le soir même. Elle seule parlait en effet espagnol/anglais. Elle me soumit l'idée de prendre le train. Nous irions donc à la gare à l'arrivée. Je me tue le reste du voyage pour ne pas les déranger.
Arrivé après le dernier train il me fallait attendre le lendemain, 4h20 du matin. Comprenant bien que cette nouvelle ne m'enchantait guère, elle me proposa d'aller avec eux au concert de M. Ward pour lequel ils s'étaient déplacés, puis de rentrer dormir chez elle à Genova pour prendre le train de là-bas, et ne pas avoir à dormir dans une gare.
J'acceptai, un peu gêné, mais à la fois ravi des rencontres qu'il m'est donné de faire (et de la chance que j'ai!). Voilà le stop, c’est rencontrer des personnes pas comme les autres !
Il fallait juste qu'elle en informe son mari et sa petite fille, une colombienne de 10 ans qu'elle avait adoptée un an et demi auparavant.

Chose faite, nous nous dirigions vers le concert, dans un amphithéâtre, qui ne manquait pas de souligner le côté romain (en plus récent, j'en conviens). Ils m'invitèrent, malgré mes réticences.

Je reposai enfin mon esprit et me laissai allé à profiter de la musique et à l'ambiance aux sonorités italiennes, qui ne m'était pas familière.
Après ce concert, conclu par une reprise d’Elvis, nous partîmes manger une glace. C'était la deuxième de ma vie sur le territoire italien. Sans doute aidé par le fait que je n'avais rien avalé depuis une bonne dizaine d'heures, elle me fit l'effet d'être la meilleure que j'eu jamais mangée.
Je dormis ce soir-là dans un lit quatre étoiles, celui de la belle-mère. Au matin, je fis connaissance de la fille de ma bienfaitrice, avec qui je partageai un petit déjeuner, avant de passer la matinée à visiter la ville. Mes bagages m'attendaient au théâtre dans lequel ma mama génoise travaillait. Toute l'administration me reçut le plus chaleureusement du monde; sans doute amusé de la bonne action de l'une de leurs collaboratrices.
Je profitai du calme régulier du train, et de l'assurance de mon arrivée à temps à ma ville de départ (d’avion), pour lire tout le long du trajet.
Arrivé à Rome à 18h et n'ayant trouvé aucun couchsurfeur pour accepter de m'héberger, je me résignai à passer la nuit à l'aéroport. Mais avant cela, je passai manger une pizza italienne et une dernière glace, presque aussi bonne que la première.
Après près de 8km parcourus à pied, chargé de mes 30kg de bagages (si si j'ai pesé...en mode entraînement de Goku pour les intimes), c'est avec nonchalance que je me dirigeai vers la gare termini sur les coups de dix heures. (La serveuse de la pizzeria m'ayant annoncé qu'il y avait des métros reliant à l'aéroport jusqu'à minuit)

C'est en catastrophe que j'arrivai finalement sur le quai, une minute avant la fermeture des portes du dernier train-navette. Le monsieur de trenitalia, d'emblée énervé malgré mon air catastrophé, me dit qu'il me fallait avoir un billet (au coût de 14€). Sinon je devrais payer mon billet à bord pour un supplément de 50€. Je n'avais clairement pas le temps de "courir" (les bagages...) au guichet le plus proche et l'amende valait plus que n'importe quel petit hôtel romain. Je m'apprêtais donc à renoncer à ma douce nuit aéroportuaire quand un autre passager sorti de l'embrasure de la porte, et me glissa de ne pas écouter le mec de trenitalia.
« He's a "jerk" », he said. « Le supplément n'est en fait que d’un euro et cela m’est déjà arrivé de le payer trois fois à bord. »
Il ne m'en fallu pas plus pour me décider à sauter dans le train. Les fameuses "3' decisions"...
Le train émet un sifflement et l'homme de trenitalia monte, en sortant son appareil de contrôle des billets. Mauvaise décision...
"Donc ce sera 64 euros, s'il vous plait" S'en suit une discussion entre le passager et l'employé, ce dernier étant, bien évidemment, encore plus énervé qu'à mon arrivé sur le quai.
C'est au troisième hurlement de "lyer" que d'autres passagers décident de s'en mêler. Tout le compartiment compatit et prend ma défense, invitant l'employé à se calmer: "mettez-vous à sa place", "faites preuve d'humanité". Certains me conseillent déjà de payer.
L'employé me demande mon passeport. Je refuse; présente ma situation: "50€ c'est un neuvième de mon salaire. Laissez-moi payer un billet pour le prochain train, je vous en prie."
Rien n'y fait, le contrôleur fait preuve d'un manque d'empathie totale. Après avoir insisté plusieurs fois, fatigué d'entendre la même rengaine, il décide d'appeler la police, qui me cueillera à ma sortie du train.
Le mec responsable de ma mauvaise décision se barre, en me glissant de ne rien lâcher. L'employé savoure le fait de me voir abandonné par ce monsieur.
Mais je ne suis pas seul. Dans les passagers venus se mêler à "l'animation" se trouvent une franco-éthiopienne, vivant en Italie depuis 4 ans, et un camerounais, joueur de foot professionnel. Tous les deux parlent italien (surtout la première).
La policière relève les informations de mon passeport mais dit à mes défenseurs que cela n'ira pas plus loin. Début de nuit plutôt agitée, que nous avons continué jusqu'à au moins 3h du matin à discuter, et à pas mal rigoler.
J'ai malheureusement eu le sommeil trop profond pour entendre partir la première et n'ai pas eu le courage de noter une quelconque manière de contacter le second quand il m’a dit au revoir.
Ce sont de belles rencontres qui me donnent toujours plus envie de voyager. L'éternel problème revient constamment: le suivi dans les relations, on fait comment?

Je "finis" cet article avant d'enchaîner une seconde nuit dans un aéroport. Celui de Cancun cette fois...avant de rejoindre Mexico demain matin. Il est 22h26 au Mexique, 5h27 en France. J'aurai encore réussi à échapper au décalage horaire! Vive les nuits à même le sol !